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Regard de la Médecine Traditionnelle Chinoise sur la ménopause

En Médecine Traditionnelle Chinoise, ce qu’on appelle en occident la ménopause, n’est pas abordée sous l’angle de troubles associés.

Il n’y a pas, à proprement parler, de syndrome de la ménopause ou de la péri ménopause.
Ce n’est d’ailleurs que récemment qu’elle est désignée (du fait de l’influence occidentale).

Ainsi « La périménopause se nomme jing duan qian hou zhu zheng, qui signifie littéralement «conditions différentes avant et après avoir coupé l’alimentation d’eau». Elle est également connue sous le nom de geng nian qi zong he zheng, traduit par “un ensemble de conditions au cours du vieillissement ».
La ménopause est appelée Jing Duan, qui signifie “arrêt des menstruations”
.1

Autrement dit, elle n’est comprise que factuellement et ce à l’intérieur d’un processus plus large.
La ménopause n’est pas la fin de la féminité, mais juste la fin des menstruations.

Dans le Nei Jing Su Wen, il est rapporté que l’énergie de la femme se déploie suivant des cycles de 7 ans.

Ainsi « en arrivant à quarante-neuf ans (sept fois sept) en raison du vide de Ren Mai et de l’effondrement de Chong Mai, de l’épuisement de Tian Gui, il n’y a plus de menstruation et en conséquence il n’y a plus de possibilité de fécondation. »2

L’arrêt des menstruations ne se pense pas comme un couperet menaçant qui finit par tomber, mais comme une période d’un mouvement global qui commence avant même les premières règles et se poursuit après leur interruption.
L’arrêt des règles pour la femme est juste le début d’un nouveau cycle.

Si on se penche d’ailleurs sur les usages de la société traditionnelle chinoise qui codifiait de manière très stricte les comportements des individus, Jing Duan correspondait pour la femme à de réelles « conditions différentes » de vie notamment dans son rapport à son mari.

Pour rappel, dans la société traditionnelle chinoise chacun avait une fonction et se devait de se conformer à l’étiquette afin que l’ordre social soit conforme à l’ordre du monde et ce pour qu’en aucune manière l’ordre du monde ne soit perturbé3

Pour les chinois anciens, la femme menstruée (de 2×7 ans à 7×7 ans) ne devait pas avoir de contact avec les hommes, elle ne pouvait même pas toucher les vêtements de son mari, et ces contraintes portaient jusque dans les rapports sexuels qui étaient organisés et codifiés très précisément.
La fin des menstrues libérait la femme de ces interdits, et rendait possible dans le couple une intimité jusque là proscrite.

« Mais la physiologie chinoise enseignant que l’afflux des humeurs sexuelles cesse chez les hommes à soixante-dix ans, chez les femmes à cinquante ans, le mari est libéré de ses obligations conjugales à l’égard de celles de ses femmes qui ont atteint la cinquantaine, toute obligation cessant pour lui dès la soixante-dixième année. Alors cessent aussi les interdits sexuels.
Un mari de soixante-dix ans, une femme de cinquante ans n’ont plus à s’isoler. Ils peuvent serrer leurs effets en un même lieu sans séparations aucune. L’intimité ne s’établit dans la vie conjugale qu’au moment où, les différenciations sexuelles s’effaçant, les époux entrent dans une période de retraite et commencent à se préparer conjointement à la mort ».4

Ainsi Jing Duan n’est pas redouté, la ménopause n’est qu’un changement dans le cycle des changements de la vie.

Quel est ce changement ?

Comme le soulignait le Su Wen, l’arrêt des menstruations témoigne du Vide de Ren Mai, Chong Mai et de l’épuisment du Tian Gui.
Ces termes sont tout 3 liés à une notion très importante en Médecine Traditionnelle Chinoise, le Jing, ou Essence du Rein.

« L’essence du Rein est une forme d’énergie plus spécifique qui joue un rôle extrêmement important dans la physiologie
humaine. Elle découle à la fois de l’Essence du Ciel Antérieur et de l’Essence du Ciel Postérieur.
Comme l’Essence du Ciel Antérieur, c’est une énergie héréditaire qui détermine la constitution de chaque être. Mais contrairement à l’Essence du Ciel Antérieur, l’Essence du Rein est en relation avec l’Essence du Ciel Postérieur qui peut la nourrir.[…]
Cette Essence est stockée par le Rein, mais comme elle est fluide par nature, elle circule également dans tout le corps, et plus particulièrement dans les Huits Merveilleux Vaisseaux ».

Comme indiqué, Chong Mai et Ren Mai font partie d’un groupe de méridiens particuliers qu’on appelle Merveilleux Vaisseaux.
Ils sont étroitement liés à la fécondation et à la gestation. Y circule l’Essence du Rein.
Tian Gui désigne la maturité de l’Essence du Rein.
L’arrêt des menstruations correspond donc à un certain niveau de consommation de l’Essence du Rein.
Celle-ci est héritée des parents (l’Essence du Ciel Antérieur) et entretenue par notre manière de vivre (l’alimentation, la respiration, le sommeil, la sexualité, les passions) et s’épuise irrémédiablement au fil de la vie.

Autrement dit, la ménopause n’est pas un événement en lui-même, mais une manifestation d’un processus qui s’enclenche dès le début de la vie, la consomption de l’Essence du Rein.
L’inné, comme notre manière de vivre, déterminent l’avènement de l’arrêt des menstruations
.

C’est ici que l’on comprend pourquoi il peut y avoir des troubles à la ménopause.
Ceux-ci ne sont pas le fait de l’arrêt des menstruations en Médecine Traditionnelle Chinoise, mais l’expression de déséquilibres énergétiques accumulés au fil du temps et qui accompagnent l’épuisement de l’Essence du Rein.

Les fameuses bouffées de chaleur dont il n’existe d’ailleurs pas d’équivalent terminologique en chinois sont ainsi bien souvent l’expression de déséquilibres énergiques de type Vide (Vide de Yin du Rein, vide de yang du Rein) qui affleurent avec l’épuisement de l’Essence du Rein (le Yin et le yang du Rein sont étroitement liés à l’Essence du rein) mais qui résultent de déséquilibres antérieurs.

« la gravité des problèmes vécus par une femme à la période de la ménopause dépend[…] du mode de vie et des habitudes alimentaires de toute la vie »6

Dans cette perspective, comme souvent en Médecine Traditionnelle Chinoise, l’équilibre de vie constitue le meilleur remède préventif.
Diététique, acupuncture, pharmacopée, tuina et Qi Gong serviront à rééquilibrer le Qi défaillant en cas de troubles déclarés.

 

1 : http://www.tcm-estherdenz.ch/fr/f_id0/menapause.html
2 : André Duron, Su Wen – première partie, édition de la maisnie (Guy Trédaniel éditeur), paris, 1991, p21
3 : Marcel Granet, La pensée chinoise, albin michel p 339 et 340
4 : Marcel Granet, La civilisation chinoise, albin michel 1994, p 384
5 : Giovianni Maciocia, Les principes fondamentaux de la médecine chinoise, Elsevier masson, Issy les Moulineau, 2008, p48
6 : Giovianni Maciocia,Gynécologie et obstétriques en médecine chinoise, satas, bruxelle, p746.