La question de a prise de poids est une question prégnante dans nos sociétés occidentales tant du fait de la croissance du nombre de personnes considérées en surpoids 1 que par l’exposition permanente du corps maigre comme modèle.2
À n’en pas douter, les fêtes passées, l’appel à maigrir sera lancé, et nombre de magazines feront leur une sur les régimes miracles visant à annuler les kilos pris en fin d’année.
Quels principes prévalent pour la plupart de ces derniers ?
Réduire l’apport calorique, (éventuellement augmenter l’activité physique) afin que l’organisme puise dans les réserves constituées pour subvenir à ses besoins.
La Médecine Traditionnelle Chinoise a une compréhension bien différente de cette question de la prise et de la perte de poids.
Une approche énergétique des aliments
En Médecine Traditionnelle Chinoise la notion de calorie n’existe pas.
Les aliments sont envisagés suivant d’autres notions :
- La Nature ( Froid, frais, équilibré, Tiède, chaud) qui détermine si c’est un aliment qui va refroidir ou réchauffer l’énergie.
- La Saveur (Acide, Amer, Doux, piquant, Salé + neutre, aromatique, astringent) qui détermine au-delà du gout immédiat la résonance énergétique de l’aliment au sein de l’organisme.
- La Direction (plongeante, descendante, ascendante, flottante) c’est-à-dire la direction que l’énergie va prendre avec cet aliment (un aliment avec direction flottante pourra par exemple favoriser la sudation).
- Le Tropisme c’est-à-dire dans quels méridiens l’essence de l’aliment va prioritairement circuler (Poumon, Gros Intestin, Estomac, Rate, Coeur, Intestin Grèle, vessie, Rein, Maitre Coeur, Triple Réchauffeur, Vésicule Biliaire, Foie)
La combinaison de tous ces paramètres va participer de l’interaction de l’aliment avec l’organisme de l’individu.
En effet tout ne dépend pas de l’aliment ingéré.
L’état du Qi de la personne est aussi déterminant.
Ainsi certains ingurgitent des tonneaux de nourriture mais ne grossissent pas, d’autres mangent peu mais grossissent, d’autres encore grossissent sans prendre de poids, d’autres encore grossissent si ils mangent telle ou telle chose, d’autres enfin grossissent en cas de stress etc…
La liste pourrait être poursuivie et rallongée avec ceux qui maigrissent ou qui n’arrivent pas à prendre de poids…
Les cas de figure sont très nombreux et cette variété est corrélée à l’état du Qi de l’individu.
Une grille de compréhension à travers des profils énergétiques
Les chinois, depuis des siècles, se sont montrés experts pour établir des catégories afin d’organiser le monde.3
On trouve ainsi dans le Ling shu, qui constitue la deuxième partie du Huangdi Nei Jing ou Classique interne de l’empereur Jaune, classique des classiques en Médecine traditionnelle Chinoise, de nombreuses typologies d’hommes visant à décrire des modalités de fonctionnement énergétique.
On trouve par exemple une grille de lecture en fonction du Yin et du yang.
L’Empereur Jaune interrogeant Maître Shao dit : J’ai entendu dire que l’homme relevait du Yin et du Yang. Que signifie l’homme de type Yin ? Que signifie l’homme de type Yang ?
Maître Shao répond : L’homme placé entre le ciel et la terre à l’intérieur des 6 accords (accords avec les 4 points cardinaux, avec le haut et le bas) est lié aux 5 éléments. L’homme est aussi dans ses rapports, inséparable du Yin et du Yang.
Ceci étant succinctement dit, ne peut être entièrement élucidé.
L’Empereur Jaune répond : Je souhaiterais en connaître sommairement le sens.
Les sages et les hommes de vertus peuvent par leur coeur (par leurs dispositions innées) prévoir leurs comportements ?
Maître Shao répond : En général, ils relèvent de l’homme de type Tai-yin (Yin fort), de l’homme de type Shao-yin (Yin faible), de l’homme de type Tai-yang (Yang fort), de l’homme de type Shao-yang (Yang faible) et de l’homme équilibré de type harmonieux Yin et Yang. Ces 5 types d’hommes ont des comportements différents.
Ils se distinguent par la musculature, l’ossature, l’énergie et le sang. »4
En fonction du type, tel ou tel comportement alimentaire, s’avérera judicieux.
Mais comme toujours avec les chinois il y a plusieurs typologies envisageables.
Une typologie à travers le prisme des 5 éléments, ou bien encore en s’appuyant sur les 6 grand méridiens, Tai Yang, Yang Ming, Shao Yang, Tai Yin, Shao Yin, Jue Yin.
Dans « Diététique énergétique & médecine Chinoise », les Dr Eyssalet, Guillaume et Mach-chieu s’appuyant sur le chapitre 65 du Ling Shu, élabore 6 types définissant des rapports dynamiques entre le Qi et la forme, Yang Corpulent, Yin corpulent, Yang Mince, Yin Mince, Yang instable, Yin instable.
Pour le Yang corpulent on trouve par exemple cette description
« la vitalité [des organes] est grande et l’excès de chaleur favorise la formation d’un tissu adipeux important provoquant parfois une obésité de type androïde.. »
Les principes de régulations diététique pour ce type sont
« ralentir-refroidir-drainer
Devant le pouvoir d’assimiltation, il faudra :
Limiter les aliments
- générateurs de chaleur
- trop énergétiques
- trop stimulants
- favoriser la consommation de crudités qui refroidissent, ralentissent et régularisent les viscères »5
Pour ce type par exemple on évitera
« la viande de mouton, de boeuf, de dinde, de gibiers divers », « la consommation de sucre ».
On proscrira
« les boissons très stimulantes[..] chocolat, café, bière, vin, alcool »
par contre on pourra consommer
« la chair de lapin[qui] rafraîchit le sang ». 6
Pour une personne de type Yin corpulent au contraire le mouton et le boeuf sont recommandés et les crudités à éviter.7
On le voit la question est complexe notamment parce que nous avons perdu l’écoute de ce qui nous convient.
Tout le monde aujourd’hui semble appelé à se nourrir de manière uniforme.
Pour la Médecine traditionnelle Chinoise il n’en n’est rien.
Les besoins de chacun sont spécifiques aussi bien constitutionnellement que du fait du contexte, de la période de la vie etc…
Ainsi l’état énergétique de l’individu est aussi déterminant.
Les déséquilibres du Qi facteurs de production du tan
« En médecine chinoise, la graisse est considérée comme le produit de «mucosités» (Tan), c’est-à-dire des liquides qui se sont accumulés puis condensés en substance plus solide. Ces mucosités (graisses) peuvent être engendrées soit par une hygiène alimentaire déréglée, soit par le dysfonctionnement de trois organes : la Rate, les Reins, le Foie » 8
Soit par une hygiène alimentaire renforçant le déséquilibre énergétique préexistant.
En Médecine Traditionnelle Chinoise, la Rate supervise la fonction digestive.
En cas de déficience de son Qi, la transformation des aliments qu’elle doit opérer ne se fait plus correctement et le Tan s’accumule à l’instar d’un moteur à la combustion problématique qui peu à peu s’encrasse.
Dans ce cas de figure, même avec une alimentation dépourvue d’aliments déséquilibrants pour la Rate, même en mangeant peu, on peut grossir.9
Si le yang des Reins est en vide, les kilos peuvent aussi s’installer.
En Médecine Traditionnelle Chinoise le Rein contrôle l’eau c’est-à-dire encadre la bonne assimilation des liquides.
Si cette opération s’avère imparfaite (le Yang étant la fonctionnalité de l’organe),
« les liquides organiques tendent à
stagner puis, à la longue, à se concentrer en mucosités » 10
Qui plus est le Yang des Reins contribue au réchauffement nécessaire de la Rate.
Sa déficience impacte la Rate qui alors peut basculer dans un vide de Qi cause d’humidité.11
Le Foie, enfin, en Médecine Traditionnelle Chinoise peut être aussi impliqué dans une prise de poids.
Pour les chinois, le Foie assure la libre circulation du Qi.
« Si le Qi du Foie cicule librement, le Qi circule normalement et la vie émotionnelle est harmonieuse. Si cette fonction est altérée, la circulation du Qi est obstruée, le Qi est bloqué et on voit apparaître un sentiment de frustration, de la dépression, de la colère refoulée […] un Qi du Foie bloqué entraîne des tensions émotionnelles et des frustrations, et inversement, une vie émotionnelle caractérisée par la frustration ou la colère refoulée perturbe la fonction du Foie et altère la libre circulation du Qi. « 12
Ainsi une vie émotionnelle perturbée peut causer une stagnation de Qi du Foie qui elle même finit par induire une moindre circulation des « liquides physiologiques du corps qui s’accumulent, se condensent et se transforment en mucosités. »13
Qui plus est, cette stagnation de Qi vient bien souvent troubler le Qi du Digestif, ce qui provoque une moins bonne transformation et la production de mucosités in fine.
« Si le Foie est perturbé, le Qi du Foie peut stagner ou, s’il se rebelle horizontalement, « envahir » l’Estomac et empêcher la descente du Qi de l’Estomac avec, pour conséquences, des éructations,des régurgitations acides, des nausées et des
vomissements. S’il envahit la Rate, il perturbe la fonction de transformation et de transport de la nourriture ».14
Autrement dit une prise de poids peut aussi être comprise et traitée à travers une approche plus psychologique.
Le poids de nos états d’âme
Une prise de poids interroge nos comportements alimentaires, notre rapport à la nourriture, notre rapport au manque et à la sécurité, notre rapport à notre corps et à l’image que nous en avons, etc…
Ainsi on peut manger parce qu’on se sent vide, pour se donner une consistance, ou bien encore pour construire une sorte de corps protection.
On peut manger trop ou mal pour se réconforter dans les situations stressantes.
On peut manger parce qu’on ne se connait pas d’autre source de plaisir etc..
L’hypnose comme la sophrologie travaillent ces problématiques en permettant au patient de revisiter son schéma corporelle ou bien encore en lui permettant de trouver des ressources en lui qui l’ancrent et sur lesquelles il peut se redéployer.
Dans le cas, par exemple, de la nourriture-réconfort, dont on ne peut se passer en cas de stress, travailler sur la gestion de l’angoisse peut s’avérer fort pertinent.
Si l’on parvient à calmer la source de l’angoisse (qui peut être par exemple la représentation que l’on a d’une situation) ou bien encore à trouver d’autres moyens que la nourriture pour retrouver de la quiétude, alors la prise poids dans ce cas peut être inversée.
On l’aura compris la question de la prise de poids est sans doute plus subtile que le seul contrôle de l’apport calorique.
Il se joue dans cette problématique des enjeux multiples.
Pour autant nul n’est condamné au surpoids.
Le chemin vers son poids d’équilibre n’est pas simple mais c’est, vraisemblablement, un chemin vers soi.
Quelques sources à propos de la diététique énergétique chinoise :
|
1: http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs311/fr/
2 : http://www2.cnrs.fr/journal/3979.htm
3 : Marcel Granet, La pensée chinoise, albin michel p 319
4 : Ming Wong, Ling Shu, Paris, 1987, p341 et 342
5 : Eyssalet, Guillaume et Mach-chieu, Diététique énergétique & médecine Chinoise, Dèsiris, 2005, p134
6 : ibid, p135 et 136
7 : Ibid, p149
8 :http://sionneau.com/medecine-chinoise/articles/obesite-les-solutions-de-la-medecine-chinoise/
9 : ibid
10 : ibid
11 : Giovianni Maciocia, Les principes fondamentaux de la médecine chinoise, Elsevier masson, Issy les Moulineau, 2008, p168
12 : ibid p 126
13 : http://sionneau.com/medecine-chinoise/articles/obesite-les-solutions-de-la-medecine-chinoise/
14 : Giovianni Maciocia, Les principes fondamentaux de la médecine chinoise, Elsevier masson, Issy les Moulineau, 2008, p126 et 127